lundi 13 juillet 2009

CAPIN°200209 Psychosociologie des émotions

GROUPE D’AUTOFORMATION PSYCHOSOCIALE
Association pour le développement de l’autonomie et de la participation sociale
Siège social : 40, rue Saint-Lô, BE 5060 FALISOLLE,
Président Patrick LECEUX 0496/627678 patrick.leceux@mac.com
Coordination pédagogique Jean-Marie LANGE: gap.belgique@skynet.be ;
Groupe d'Autoformation Psychosociale : Formations des adultes et actions humanitaires.
L'association de formation des cadres GAP est une asbl spécialisée en management associatif et en prévention des conflits de groupe. Elle se veut résolument sans but lucratif; aussi, lorsqu'elle dégage un quelconque bénéfice, elle conçoit le projet d'une aide humanitaire technique et ciblée au Tiers Monde. Hier, il s'agissait de formations d'animateurs ruraux et d'animateurs de gestion au Mali et aujourd'hui, c'est l'aide à des associations locales à MAKAMBA au sud Burundi. Notre association n'est pas subsidiée par la coopération au développement de Belgique. Le GAP est un opérateur de terrain qui se réclame de l'application des droits de l'homme et ne se réfère à aucune confession et à aucun parti politique.
Site http://soutien.et.autonomie.free.fr

CAPI – Cahiers d'Autoformation Psychosociale en Pédagogie institutionnelle -
SOMMAIRE des précédents articles de cette revue bimensuelle de réflexions pédagogiques du GAP

N°1 – Janv-Fév. 2006 : Qu'est ce que le GAP ?
N°2 – Mars-Avril 06: Le cahier des offres de formation du GAP.
N°3 - Mai-Juin 06 : La colère des enseignants (gestion des conflits – opus 1)
N°4 – Juill.-août 06 : La pensée rationnelle (gestion des conflits – opus 2)
N°5 – Sept.-Oct.06 : Totem et tabou
N°6 – Nov. Déc. 06 : Jalousie et fonctionnement à la croyance (Médiation couple – opus 1)
N°7 – Janv.Fév. 07 : L'Avant-projet pédagogique BURUNDI
N°8 – Mars-Avril 07 : La Dynamique des Groupes, l'organisation sociale et l'homme de la singularité.
N°9 – Mai-Juin 07 : Histoire de vie en groupe et aide sociale (Proposition au Congrès international des professionnels francophones de l'intervention). Pédagogie du projet.
N°10 – Juillet-Août 07 : Rapport d'activité "Enfants de Kayoba" première phase "Voyage d'études et de faisabilité 2007"
N°11 – Sept.Oct.07 : Le chaman et le formateur
N°12 – Nov.Dec. 07 – L'identité personnelle, une insertion sociale ?
N°13 – Janv.Fév.08 – La genèse des alchimistes pour l'éducation à une spiritualité laïque
N°14 – Mars-avril 08 - Le travail des intervenants sociaux (1) : Pour une insertion sociale et multiculturelle citoyenne.
N°15 – Mai-Juin 08 – Le travail des intervenants sociaux (2) : Emploi, travail et méthodes d'intervention.
N°16 – Juillet-Août 08 – Le travail des intervenants sociaux (3) : Fantasme de toute puissance, démocratie ou génocide.
N°17 – Sept. Oct. 08 : La souffrance du désir et le détachement
N°18 – Nov. Déc.08 : Le stress et les consciences
N°19 – Janv-Fev 09 : Le triangle rouge de la lutte contre tous les racismes
N°20 – Mars-Avril 09 : La psychologie des émotions.

CAPI – Cahier d'Autoformation et de Pédagogie Institutionnelle du Groupe d'Autoformation Psychosocial - GAP - N°20 -02/2009 & pour l'Institut d'Histoire Ouvrière, Economique et Sociale – IHOES.












PSYCHOSOCIOLOGIE DES EMOTIONS :
"Les représentations mentales et l'illusion de nos états d'âme"

Jean-Marie LANGE

"Nous ne sommes pas prisonniers du passé, ni de notre histoire, ni donc tout à fait de nous-mêmes. Chacun a le choix, sinon de son présent, du moins du chemin qu'il y suit ou, s'il en a le courage, qu'il y ouvre."(André COMTE-SPONVILLE)[1]

"Pour aller plus loin dans sa compréhension des émotions, la psychologie doit cesser de privilégier les facteurs individuels et physiques au détriment des variables sociales. Tant qu'elle considérera que l'essentiel de l'émotion se situe dans le cerveau, les systèmes de croyance et les pratiques de communication – bien au cœur de l'émotion – ne seront jamais que des caractéristiques secondaires. Pourtant ce ne sont pas les processus neurophysiologiques mais les processus interpersonnels, groupaux et culturels qui produisent des émotions culturellement significatives avec le pouvoir d'émouvoir – de mouvoir – les gens." (Anna TCHERKASSOF)[2]

Introduction

Il y a parfois des parents anxieux qui en voulant offrir les meilleures cartes à leurs enfants se chamaillent sans cesse. Pourtant, il n'y a pas de recette intellectuelle : l'amour entre les deux parents fait naître celui des enfants. Ce n'est pas le signifiant mais le signifié qui compte, soit la forme, la relation humaine. Parfois, c'est la position inverse et les amants se consomment l'un l'autre sans trop se soucier des enfants, une attitude de pingrerie humaniste, un modèle économique à somme nulle. En effet, l'affection est en elle-même un moteur et plus on est capable d'aimer l'autre, plus on peut considérer les autres (enfants et tiers) avec un regard d'amour, la philea.

"Si les sentiments sont l'indice de l'état vital au sein de chaque organisme humain vivant, ils peuvent aussi l'être dans n'importe quel groupe humain, petit ou grand. Une réflexion intelligente sur la relation entre les phénomènes sociaux et l'expérience des sentiments que sont la joie et la tristesse semble indispensable pour mener à bien l'activité humaine ancestrale consistant à imaginer des systèmes de justice et d'organisation politique. Et ce qui peut être plus important encore, les sentiments, en particulier la joie et la tristesse, peuvent inspirer la création d'un environnement physique et culturel de condition favorisant moins de douleur et davantage de bien-être pour la société."[3]

Pour la psychologue Anna TCHERKASSOF (2008), nous avons d'abord des représentations mentales (cognition) avant que celles-ci ne se transforment en sensations corporelles variables selon les cultures; autrement dit des schèmes cognitifs psychophysiologiques préfigurent et déterminent nos états d'âme par le ressenti analysé du corps.

Nous avons des filtres culturels induits par le conditionnement social, c'est pour cela que la valeur de tolérance – subjective comme toutes les valeurs – est si essentielle et nous permettra dans ce nouveau millénaire d'évoluer en tant qu'humanité areligieuse mais confraternelle, si nous arrivons à dépasser nos certitudes, nos croyances obsessionnelles en nos vérités relatives.

Les émotions sont dans chaque peuple mais au-delà des ressentis, il y aura toujours des interprétations divergentes. Par exemple, nous ne pouvons plus croire en la psychanalyse, même si cette construction mentale ne reposant sur aucun fait scientifique a fait du bien à de nombreux êtres humains tout autant que l'animisme et le maraboutage.

Canevas : 1/Après avoir tenté de cerner sommairement les différentes approches plus complémentaires que contradictoires des théories psychologiques des émotions, 2/ nous développerons toujours sommairement celle du constructivisme social et de la dynamique des groupes, 3/pour ensuite aborder une méthodologie de la formation des adultes en développement personnel, une spécifique de la dynamique des groupes relationnelle : les histoires de vie.

Historique des psychologies comparées

Selon ARISTOTE, l'ETHOS est le système de croyances, de valeurs et de normes d'une culture particulière. Le moi n'existe pas autrement que par nos représentations apprises. Cela signifie que lorsque nous pensons que nos normes et émotions sont universelles, nous faisons de l'ethnocentrisme et celui-ci peut, pour les Occidentaux ou les Musulmans par exemple, nous conduire a un sentiment de supériorité induisant l'ostracisme voire le racisme. Pour illustrer cette idée, pensons à l'ancien Président des Etats-Unis Georges W BUSH, ce sot que personne n'aimait mais nous devrions accepter, nous Occidentaux, de reconnaître que culturellement, nous sommes plus proches de lui que de nos amis du tiers-monde.

Le stoïcien MARC-AURELE considérait l'émotion comme une perversion, les reconnaître étant le passage obligé pour les maîtriser et accéder à une élévation de l'âme. Nos premiers matérialistes comme DESCARTES ou KANT ont opposé aux émotions la raison et la morale. Aujourd'hui avec DAMASIO, nous savons que nous devons dépasser nos états émotionnels mais sans les renier, les dénier au nom de la raison, soit la prise en compte des états affectifs par la raison au lieu – comme le chante Francis CABREL – "de se jeter sur le premier Jésus-Christ qui passe".

En 1872, Charles DARWIN dans son ouvrage "L'expression des émotions chez l'homme et les animaux" décrit les mimiques et postures des huit émotions discrètes (joie, souffrance, anxiété, contrariété, colère, dégoût, surprise, honte). Sa théorie de la sélection des espèces lui servira de base pour fonder la communication sociale des émotions. C'est ce que Gregory BATESON, un des premiers psychologues systémistes, montrera avec sa recherche et son premier ouvrage "NAVEN" : les fonctions adaptatives variables et similaires au-delà des formes qui s'observent dans les cultures comparées (les coutumes de Bali confrontées à l'Occident dans sa recherche). BATESON établit un lien interculturel entre les expressions de six émotions de base (joie, peur, colère, tristesse, dégoût et surprise). Par contre, au-delà d'une certaine expressivité par sympathie mimétique, les différences culturelles cognitives sont aujourd'hui pointées et le lien avec la somatisation serait aussi une question de socialisation. Par exemple, les Occidentaux stressés ont mal aux épaules et à la nuque alors que les japonais ont mal au ventre. La colère s'exprime sans tabou chez les Occidentaux mais est peu conceptualisable chez les Inuits

En 1884, le psychologue William JAMES nous dit que le système nerveux des vivants est une matrice adaptative pour réagir collégialement à notre environnement social. Pour lui, le corps réagit en arc-réflexe et l'expérience conscientisée de ces réactions constitue l'émotion. Il dit en substance que si nous pleurons, cela nous rendra triste. Cela ressemble à un koan zen mais a été relevé dans des observations mimétiques chez des petits : une institutrice raconte une histoire avec un pathos et des expressions émotionnelles négatrices et les petits ont l'air grave ou expriment de la tristesse et vice versa. C'est le cas aussi du théâtre de marionnettes avec Guignol, c'est ce que l'on va appeler "la théorie périphérique".

En 1927, CANNON s'oppose à cette lecture avec ce qui s'appellera "la théorie centrale" des régions sous-corticales comme l'amygdale. En 1949, MacLEAN lance sa théorie des trois cerveaux avec le système limbique des mammifères, intermédiaire entre le cerveau viscéral reptilien et le néocortex spécifiquement humain.

De nos jours, nous sommes plus nuancés entre la neurophysiologie et la psychologie sociale de l'environnement, l'une comme l'autre pouvant être déclencheur de l'expérience subjective émotionnelle. Si nous n'avions pas d'émotions pour faire des choix, dit DAMASIO, nous serions aussi simples que des ordinateurs (capables de supputations et de calculs mais pas de choix incluant cette variable humaine).Notons que toutes les approches actuelles sont issues de cette controverse JAMES-CANNON.

Le modèle bidimensionnel de Wilhelm WUNDT, repris par RUSSEL (1980), s'ébauche selon un axe vertical coupant un axe horizontal. L'axe horizontal est la dimension hédoniste (plaisir-déplaisir). L'axe vertical est la dimension d'activation élevée ou faible. La valence plaisir-déplaisir est déterminante puisque distinguant les émotions positives des négatives. En-dessous de déplaisir vers l'activation faible : la tristesse. En-dessous de plaisir : le bonheur; au-dessus : la joie. Au-dessus de déplaisir par ordre croissant vers l'activation élevée : dégoût – colère – peur.
Selon les neurosciences, l'axe plaisir-déplaisir est constitué de l'activation asymétrique des lobes frontaux en liaison aller-retour avec l'amygdale. La dimension d'activation est en lien avec la partie pariéto-temporale droite du cerveau.

Le cognitivisme et le constructivisme social

LEWIS et HAVILAND (1993) étudient la mise en forme des émotions selon les cultures comme étant des produits culturels résultant de règles apprises. Ce sont les sujets qui construisent le sens de l'émotion à partir des faits sociaux. Des expériences réalisées sur la douleur montrent que l'Irlandais par exemple est un dur à cuire et que l'Italien est plus douillet, ce que l'on aurait eu tendance à trouver un peu cliché et qui pourrait conduire à une néo frontière des préjugés par une lecture superficielle. Par exemple, chez les Esquimaux, l'époux invite son hôte à avoir des rapports sexuels avec sa femme; pourtant, la jalousie existe et fera qu'en cas d'infidélité, l'époux pourrait parfois tuer son rival ou l'épouse sa rivale car le couple est une question sociale de survie dans des conditions de vie extrêmes. Notons que cet exemple de la contingence "survie" confirme bien que l'émotion est une représentation et non un ressenti. Pour illustrer cette idée par un exemple occidental, pensons à la définition de l'amour par Jacques LACAN : "Ce que j'aime chez toi, c'est le regard d'amour que tu poses sur moi !", autrement dit un renforcement d'amour narcissique par un script sentimental.

Pour AVERILL(1980), exprimer une émotion, c'est jouer un rôle social transitoire comme les autres (le rôle d'ami, d'étudiant, de prof, de parent,…). Cela signifie se soumettre à un ensemble de normes prescrivant la façon de se manifester dans une culture spécifique. Notons alors le danger que représentent les séries télévisées (meurtres et tromperies) pour l'éducation des futurs adultes, particulièrement dans le tiers-monde où ces images ont une valeur d'idéal de la consommation, soit un glissement des valeurs familiales de stabilité vers une perte totale de repères moraux. La perte des traditions ancestrales dans le tiers-monde est un phénomène social grave.

Quand nous ressentons une colère, il est bon de ne pas la laisser nous submerger et de placer le lexique émotionnel dans le contexte culturel approprié. Par exemple, le complexe d'Œdipe est une représentation valide pour les juifs viennois de l'entourage de FREUD mais non universalisable à la masse de l'humanité musulmane et/ou polygame.

En synthèse, il existe donc quatre groupes d'approches des émotions :
- Les approches biopsychologiques de la perspective évolutionniste (réactions des mammifères à l'environnement).
- L'approche phénoménologique dimensionnelle avec la valence positive ou négative et le degré d'activation (extase religieuse ou ataraxie).
- L'approche phénoménologique de l'introspection des contenus de conscience ou analyse de la structure de la pensée et des représentations associées (SCHOPENHAUER).
- Les théories cognitives qui disent que l'émotion est la résultante d'une évaluation rapide du cortex par une réaction appropriée au contexte (les émotions sont alors les réactions de processus cognitifs).

Dissection de nos affects

Les états affectifs (ressentis) sont liés à des sensations de plaisir ou de déplaisir qui s'imposent à notre conscience de façon involontaire (c'est-à-dire non raisonnée) et se fixent dans notre manière d'être. Ceux-ci, lorsqu'ils sont par la suite soumis à la conscience seront appelés "émotions" et lorsqu'ils seront soumis à la post-conscience d'une analyse cognitive, seront appelés des "sentiments (avec une connotation "morale"), ce ne sont que des croyances colorées d'affects : par exemple "je déteste mon ex-conjoint et j'élève mes enfants dans le culte de sa haine" ou encore "j'éprouve de l'attirance pour untel/unetelle". Ces représentations vont motiver nos actions émotionnelles : par exemple, "j'évite untel ou au contraire je recherche sa proximité".

Les émotions sont socialisées (c'est-à-dire acquises par le conditionnement socialisant d'une culture donnée) et donc à la source parfois d'incompréhension culturelle puisque le référentiel est totalement différent. Notons que nous pouvons également exprimer des états affectifs d'humeur par rapport à des déclencheurs internes : par exemple, une personne qui souffre dans son corps et qui s'aigrit et râle tout le temps. En réaction à un caractère bougon interne ou relationnel qui se bétonne, le philosophe SPINOZA (mais aussi EPICURE et bien d'autres) nous invite à choisir la joie et le rire plutôt que d'être systématiquement de "mauvaise humeur" sans savoir pourquoi.

Il serait donc nécessaire de distinguer les ressentis "affects" (plaisir/déplaisir) des manifestations brusques et intenses des états émotionnels perturbant l'action sujet-environnement. Quand quelque que chose d'imprévu se produit ou a contrario quand quelque chose de prévu ne se produit pas alors que l'évènement est souhaité, il y a une émotion de contrariété, cette contrariété crée une souffrance absurde puisque nous ne pouvons pas modifier le phénomène. Comme nous l'avons déjà dit, les personnes les plus frustres peuvent ressentir plus d'émotions négatives car ne pouvant pas – par défaut éducationnel et non physiologique – les soumettre à l'évaluation de la raison.

Notons que nous ne pourrons jamais – sous peine de déni affectif (comme le principe de nirvana en psychologie) – maîtriser la totalité de nos affects. Nous ressentons les évènements avec "nos tripes", la tristesse de la perte d'un être cher tout comme la satisfaction lors de la réussite d'un projet ou la joie simple d'une communication positive. Les Etats Modifiés de Conscience (EMC) peuvent cependant être modulés vers l'apaisement (zen) ou l'excitation (extase religieuse), nous y reviendrons. Le simple fait de croire à un stimulus externe (Dieu ?) active le cerveau et suscite une émotion que l'on attribue à un élément invisible externe, soit une boucle d'hyperactivité cérébrale pouvant conduire à des hallucinations ou à des apparitions. Il y a dans l'émotion une composante viscérale, une composante culturelle expressive et une composante cognitive-expérientielle.

Il s'agit donc d'une subjectivité représentative culturelle et si les émotions primaires/basiques devraient être qualifiées – comme en Dynamique des Groupes – de ressentis, il faudrait néanmoins avec la raison en relativiser l'impact sur nos états internes. Nous ne pouvons pas nier un ressenti mais l'interroger plutôt que le laisser nous dominer (comme les crimes passionnels par exemple). C'est ce que nous apprend Arthur Schopenhauer : nous avons une colère qui monte en nous, il nous faut l'accepter/l'assumer pour la comprendre et par là même maîtriser partiellement notre représentation au lieu de réagir compulsivement de façon névrotique. Tout en étant matérialistes, les formateurs en éducation permanente ne peuvent occulter cette psychologie de la gestalt (la forme). En effet, trop souvent, nous observons dans la quotidienneté des gens qui s'énervent parce qu'ils ne trouvent pas le processus méthodologique; pensons à cette petite vieille qui vingt fois remet sa carte dans le robot bancaire et le temps qu'elle lise, la machine éjecte systématiquement sa carte pour délai de lecture dépassé : oui, les machines font des jugements de valeur !

Dynamique des groupes et émancipation sociale

La psychologie sociale dans son aspect Dynamique des Groupes de Kurt LEWIN propose une solution cognitive aux précédentes théories : ce ne sont pas les évènements qui émeuvent les hommes mais l'idée qu'ils s'en font, l'émotion est dépendante de l'interprétation de la situation sociale.

La psychosociologie est plus une manière de vivre qu'une science sèche, une façon de voir les autres en s'en souciant, un besoin de compassion, d'aider à alléger la souffrance d'autrui, d'aider à son épanouissement personnel parce que nous-mêmes nous en avons "bavé"; c'est le principe du chaman, soit un échange de cœur à cœur avec une relation d'authenticité.

Une formation relationnelle de Dynamique des Groupes (DG) ne peut maintenir les faux semblants, on ne peut être que vrai et si l'on triche (avec les autres et avec soi-même car c'est similaire), le reste du groupe le ressent et exprimera le non-dit en cas de superficialité masquante. Participer à un groupe en formation avec un conducteur animateur compétent est une expérience riche d'autoformation psychosociale : on confronte nos images et nos ressentis à l'évaluation/élucidation des autres participants qui le plus souvent sont empathiques et valident les énoncés.

Une formation didactique en conduite de réunion relationnelle (différente d'une formation pédagogique plus centrée sur les techniques) consiste en préalable à avoir soi-même participé à ce type de groupe puis en avoir été un observateur restituant (aucune prise de notes ne pouvant rester secrète sous peine de susciter une parano collective) pour ensuite coanimer avec un animateur expérimenté puis animer un groupe sous sa supervision et poursuivre dans les premières sessions de formation un tutorat c'est-à-dire un feed-back d'Intervision entre le "maître" et l'aspirant. Notons en passant que dans un groupe autogéré mais conduit, le membre qui bénéfice le plus de la richesse des apports est souvent le formateur lui-même.
Avec la DG, il n'y a pas qu'un sujet qui par son non-verbal et ses mimiques exprime son ressenti, il y a l'interaction dans le couple, comme dans le groupe. Des jeunes qui se rencontrent et se séduisent commencent une relation affective par ce qu'elle a de plus facile la sexualité, et des plus ennuyeux si les échanges s'arrêtent à la simple copulation.
En effet, nous entendons souvent des épouses ou des femmes en couple qui se plaignent (notons qu'environ 80% des membres d'un groupe relationnel sont du genre féminin) que leur homme ne parle pas ou si peu et se complait dans son mutisme frustrant l'autre; là aussi il s'agit d'un stéréotype culturel.[4]

La conversation est un art de vive ensemble, de partager des points de vue, des opinions, d'anticiper des projets, d'analyser des évènements. Ce sont des coactivités qui structurent l'action en mobilisant l'attention des interlocuteurs sur un même sujet (des commentaires sur un film, le projet de futures vacances exploratrices, etc.) Marshall Mc LUHAN parlait de la fonction phatique de la communication mais l'échange n'est pas que technique, il est aussi dans le partage des ressentis. L'interaction langagière consolide le lien (provisoire toujours) qui unit les partenaires et renforce l'affinité élective (l'attirance, la séduction) entre les personnes (relations hétérosexuelles ou homosexuelles entre des adultes responsables et n'ayant rien à voir avec la perversion pédophile, plus fréquente chez les prêtres puisqu'ils se détournent des lois naturelles de Dieu). Notons enfin qu'à travers les psychothérapeutes et les formateurs et malgré leur devoir de réserve, les relations avec l'autre sont parfois plus authentiques que la pauvreté communicationnelle dans certains couples.

La joie de l'amitié de SPINOZA ou le rire d'EPICURE construisent plus une "chaîne affective d'union" que la petite secousse, agréable certes, d'un coït par essence plus limité dans l'espace-temps et pouvant devenir une routine.

Les psychologues d'aujourd'hui parleront de la contagion émotionnelle de l'empathie : une ouverture à l'autre, base du comportement d'aide, supérieure à la sympathie, avec plus de retenue mais plus d'authenticité. Etre vrai sera ressenti par l'autre comme un élément important de l'interaction et en effet, on peut mentir avec les mots mais difficilement avec les attitudes. Notons au passage que le fait de travailler en groupe en formation résidentielle peut développer une certaine euphorie entre le bon groupe et l'extérieur, c'est ce que l'on appelle le groupe fusionnel ou l'illusion groupale bien distincte des sectes (comme la psychanalyse); en effet, lorsque le groupe enchanté lors d'une évaluation envisage une suite pour se revoir, les formateurs professionnels conseillent d'attendre par exemple six mois que l'enthousiasme retombe avant de voir si l'objectif n'est pas là aussi un leurre émotionnel.

Un autre aspect différent dans la DG par rapport à des réunions au café du commerce est dans la structure des échanges. Les gens adorent parler d'eux-mêmes mais n'écoutent pas vraiment les autres, il s'agit au café du commerce le plus souvent de monologues juxtaposés, les narrateurs manifestent peu de sollicitude pour l'histoire des autres. L'initié qui ayant perçu un trouble chez l'autre s'enquiert de ce qui le préoccupe utilise ainsi ce que l'on appelle les attitudes d'enquête et de compréhension (grille de PORTER). Ce sera en effet par le questionnement que l'on pourra vérifier si ce que l'on interprète de l'autre est cohérent ou simple projection égotique de notre part.


Choisir son type de vie avec persévérance, c'est un carré d'as pour réussir ses projets, la seule règle étant de ne pas s'illusionner sur une vaine et vaniteuse permanence des histoires de nos vies et de ne jamais tricher avec nous-mêmes, avec notre conscience en se rappelant la sagesse" de l'Ecclésiaste : "tout n'est que poussière et histoire de vent !".

Nous sommes en quête de nos désirs et dès qu'un désir est assouvi, nous en tirons une satisfaction très provisoire qui se transformera en ennui et relancera - comme le mythe de Sisyphe - notre recherche d'un autre désir. Emmanuel KANT avait compris que nos sensations sont filtrées par notre cerveau avant d'être reconstruites, "remontées" pour une image que nous allons prendre pour la réalité mais qui est en fait une chimère adaptée à notre conditionnement en catégories. Tous les concepts logiques sont des constructions mentales et non des faits de nature. Nous ne saurions pas voir l'inconnaissable. Celui-ci n'est pas à limiter au refoulé inconscient de FREUD mais plutôt à l'inconscient, observateur interne caché et neutre de JUNG, ce que les bouddhistes appellent la huitième conscience. Arthur SCHOPENHAUER (40 ans avant la naissance de FREUD) pourtant suggère que nous disposons d'une porte pour partiellement percevoir l'autre de nous : le corps, objet matériel, une connaissance directe interne. Nous ne pouvons y accéder car nous réprimons notre vie intérieure, notre côté "ombre (cruauté, peur, envie, désir sexuel, agressivité, égocentrisme,…) dit également JUNG, nous ne voulons pas laisser affleurer l'ombre à la conscience. Cette force primaire de la nature en nous, SCHOPENHAUER l'appelait volonté^[5]. Chaque fois que la volonté est contrariée, il y aura souffrance, dit-il.[6]

Aborder les évènements "sous l'aspect de l'éternité"(SPINOZA) permet de les relativiser. Que sont nos petits problèmes d'orgueil ou nos bisbilles relationnelles face au cosmos ? Nous sommes à cet échelon comme des fourmis sur la pente d'un volcan disait le vulcanologue Haroun TAZIEFF, ou encore sans aller jusqu'au guide intergalactique, mesurer à l'aune de notre si brève existence. Vivre avec notre mort à l'esprit nous permet de mieux vivre l'instant avec un certain détachement de nos tracas éphémères.

Histoires de vie et de citoyenneté

"Entre l'histoire que l'on raconte, peuplée de fantasmes et de subjectivité, et l'histoire vécue, comme ensemble d'évènements qui se sont "véritablement" déroulés, comment le sujet peut-il faire la part des choses, comprendre ce qui lui est arrivé, les traces de ce passé en lui, et ce qu'il "fait de ce qu'on a fait de lui" pour reprendre l'expression de SARTRE ?(…) L'espace de travail favorise la rencontre entre l'exploration individuelle des histoires personnelles des participants et l'analyse collective en groupe.(…) Pour un clinicien la neutralité est une illusion. Le chercheur est avant tout un sujet dont l'implication est nécessaire au processus de production de connaissance. L'histoire est chargée d'affect.(…) L'exploration croisée des récits de vie en groupe conduit à une reconnaissance de soi par soi et par autrui qui permet non pas de changer l'histoire, le passé reste le passé, mais le rapport à l'histoire, c'est-à-dire la façon dont elle est agissante en soi."[7]

Depuis les années 1980, après avoir suivi les enseignements de Gaston PINEAU, Pr. A l'Université de Montréal et réalisé une thèse de doctorat en 1991 sur la thématique, nous sommes toujours convaincus du bien-fondé de cette approche cathartique en groupe, après l'installation de normes de respect et de non jugement de valeur. Il s'agit alors d'un processus : celui de verbaliser des émotions vécues antérieurement pour les recadrer dans une perspective analytique, c'est-à-dire de réarticuler le ressenti et la raison (l'hémisphère droit poétique et l'hémisphère gauche logique).

Trop de nos blessures existentielles sont fondées sur des croyances de notre "être au monde "(HEIDEGGER) et de la place égocentrée que nous y prenons. Des échecs de vie (parfois des échecs scolaires) invalident le pari de base sur la valeur (relative bien sûr comme doivent l'être toutes les valeurs) de la dignité humaine sur le fil rouge des droits de l'homme et du citoyen.

Dans des séminaires bouddhistes, on peut apprendre cette intéressante technique de la méditation zen : en substance, tout est illusion (y compris nos émotions) et seuls existent le cosmos et la nature en mouvement qui est en nous et que nous ressentons par la respiration. La contradiction incroyable de cet engouement oriental est due aux certitudes religieuses. Les moines ne demanderont jamais rien aux psychologues car ils s'imaginent détenir la vérité absolue (le zen profond cependant dit que toute vérité est relative); au contraire, ils veulent aussi leur enseigner la psychologie occidentale et là, c'est lamentable car, si pour nous tout discours est respectable même si on n'est pas dupe, parler uniquement de son moi avec des émotions comme le proposent divers formateurs bouddhistes est alors la duperie des duperies : des gens qui pleurent sur eux-mêmes en boucle et des "prêtres" qui ne savent pas travailler ce matériau brut par la reformulation en dédramatisant.

En histoires de vie, c'est l'exact contraire : celui qui a été meurtri par la vie se tait et le travail du groupe est de constituer un lieu approprié d'écoute où il peut déposer son fardeau sans être jugé car des victimes d'un choc traumatique se sentent toujours coupables. Les enfants soldats ne parlent pas et il en va de même des jeunes filles qu'ils ont violées et qui ont la "chance" d'être toujours en vie. Ou encore les personnes ayant le "sentiment" d'avoir été abusées dans leur enfance, etc. Peu importe que l'histoire de vie soit vraie ou fantasmée, elle dégagera la même souffrance lancinante et ce sera en déposant sa pierre à sa manière dans un groupe chaleureux et respectueux (parce que dirigé par un formateur) que la personne pourra tourner la page et "lâcher prise" avec ce passé douloureux dont son surmoi l'accable. Nous étudions la spiritualité orientale mais l'Orient n'étudie pas la raison occidentale. Nous sommes persuadés que des moines natifs lisant ces lignes ne peuvent les comprendre, le chancre universel religieux étant en eux. Quelle que soit notre aversion pour la Chine colonialiste au Tibet, Mao Tsé-toung avait raison : "la religion est l'opium du peuple !"

Lorsque dans un groupe dirigé, une personne évoque un épisode important et intense de sa vie, le groupe mature va se comporter comme une caisse de résonance et montrer/dire des comportements /attitudes de réconfort et des invitations à la réassurance en soi. Ce soutien social de partage et d'implication (une spiritualité athée ?) est le chemin pour retrouver une confiance en soi et in fine une intégration sociale.

Le monde ne nous est pas hostile, simplement parce qu'il n'existe pas en-dehors de nous et de nos représentations. Nous sommes le monde ou en tout cas une de ses composantes que l'on ne peut pas exclure par l'économie du marché. Le partage social des récits de vie alimente une compréhension mutuelle au niveau du ressenti, de l'affect. En écoutant autrui, on se réconcilie avec sa propre histoire au lieu de ressasser en boucle nos malheurs "relatifs"[8].

Dans son axiomatique de la communication, Paul Watzlawick nous dit que dans tout message, il y a le contenu et la relation affective. En histoires de vie, il est impossible de tricher avec les autres (avec soi-même, c'est autre chose). Il y a en effet une dimension supra au langage digital et analogique, c'est la communication implicite entre les ressentis des corps. Un bon acteur peut leurrer son public pendant quelques heures mais des sujets en autoformation résidentielle de 3 ou 4 jours ne peuvent plus cacher leur mensonge de façade, le non-dit se voit comme le nez au milieu de la figure.

Au niveau processus, le formateur demande à chaque membre du groupe dès le premier contact d'être tolérant en expliquant que l'on n'est pas tous (quels que soient nos âges biologiques) égaux sur le chemin de la conscientisation raisonnée et il faut accepter que certains des membres restent sur la superficialité de leur récit même si la plupart des autres sont acteurs, soit également une induction paradoxale à s'impliquer pour soi.

L'environnement social d'un petit groupe d'autoformation sert de tremplin pour une auto-guérison, une résilience. Le moi que nous croyions être n'existe pas et les émotions sont des "constructs mentaux", cela n'empêche pas que dans ce type de groupe (relationnel et non pédagogique), on pleure beaucoup et on progresse parfois beaucoup sur son propre chemin. Comme le dit Vincent de Gaulejac dans l'exergue à ce chapitre, les émotions racontées et acceptées par un groupe social ne changent pas l'histoire mais le regard du narrateur sur sa propre histoire.

Pour raconter des bribes significatives de son histoire de vie, il faut mettre en mots nos images mentales (l'analogie des rêves) et pour le narrateur, c'est peut-être aussi la première fois qu'il s'entend de façon structurée et explicite avec une clarification nécessaire de ses pensées. Une histoire de vie n'est pas une biographie historique et il ne faut pas que des phénomènes secondaires (comme la perte de notre première dent) noient les poissons à repêcher dans nos marécages diffus. On ne peut pas dire n'importe quoi , nous disent Jürgen HABERMAS et Paul RICOEUR (une étudiante voulant réaliser un mémoire sur le thème nous proposait ses bouffées délirantes sans queue ni tête, nous l'avons orientée le plus gentiment possible vers des soins psychiatriques). Il faut un fil conducteur intelligible, une cohérence même si elle est le plus souvent un peu romancée pour lier les évènements et pour être entendue des auditeurs, une mise en perspective élaguant les détails oiseux, une articulation entre le perçu (le ressenti), le vécu (l'émotion) et le conçu (la conscience par la raison) pour créer un sens à l'histoire du sujet.

C'est aussi pour cela que l'histoire fluctue et se nuance, on la réécrit en fonction des réactions à un premier public pour en fait trouver les mots justes (s'adapter). Cela implique une reconstruction permanente de dépassement. C'est cela que mes amis bouddhistes se voulant psychologues populaires sans formation ne comprennent pas : exprimer des émotions comme des cris n'a pas de sens (c'est notre partie mammifère qui s'exprime) sinon de renforcer nos croyances de victimes, de grand(e)s incompris(e)s. Le matériau doit d'abord être analysé par l'auteur, recadré ensuite par le formateur (et dédramatisé) et commenté sans jugement par le groupe de cochercheurs pour que l'histoire s'écrive autrement avec une piste de sortie possible et non une boucle névrotique. Cet autrement, in fine, n'appartiendra qu'au narrateur sous deux axes : que par la sémantique et les échanges, il en dégage des profits cognitifs, et que, au niveau subjectif, il ait le sentiment d'avoir été compris, reconnu et accepté par le groupe-clan.

L'éclairage psycho-philosophique

Du temps des Grecs hellénistiques, les sciences et la philosophie n'étaient pas scindées (de même, une même science, comme la psychologie, n'était pas atomisée en de multiples disciplines territoriales, fiefs de professeurs). Nous avons vu qu'il n'y a pas de moi mais des sensations (les cinq sens) complétées par un cerveau organisateur qui peut tricher mais aussi raisonner. Il existe une 7ème conscience que FREUD appelle l'inconscient (le refoulé) et que l'on peut travailler par l'introspection si l'on se veut honnête et rigoureux. Le psycho-philosophe CASTORIADIS, nous commente la phrase de FREUD : "Là où est le ça il me faut advenir" comme étant une volonté de conscientiser notre côté obscur avec la raison et sans culpabilisation, le regarder sans prétendre le changer, soit l'apprivoiser. L'ex-dauphin de FREUD, JUNG va plus loin et évoque un inconscient collectif, 8ème conscience archétype de l'humanité qui imprègne tous les fragments (les gouttes) de cet océan d'humanité; c'est également le cas dans la philosophie bouddhiste. Notons une fois encore que le bouddhiste occidental est dans un bouddhisme de virtuose et que le bouddhisme original et populaire est un fatras d'obscurantisme, de superstition et de magie pour la plupart des pratiquants.

Pour ébaucher très brièvement par un souffle philosophique, l'aspect de la présente vulgarisation montrant que les émotions se construisent selon les coutumes et les normes ainsi que les sentiments, nous ne pouvons qu'en appeler à la sagesse d'EPICURE (relayée par LUCRECE et COMTE-SPONVILLE entre autres). Si nos ressentis construisent mentalement des émotions qui nous font souffrir, pourquoi les laisser fleurir en notre cœur. Par exemple, qu'est-ce que la jalousie ? Une frustration de notre image construite d'un ego s'imaginant tout puissant et qui veut dominer son égal/égale? Pour les athées et les scientifiques de la preuve, nous n'avons qu'une vie et il s'agirait, autant que faire se peut, de rendre cette unique existence plutôt agréable et apaisée que souffrance, n'est-il pas ? Rien n'existe donc que les ressentis; néanmoins, ceux-ci peuvent faire beaucoup souffrir l'entité vivante.

Comme nous l'avons déjà écrit, le désir n'existe pas non plus dans le temps, il est désir de lui-même, nous dit SCHPOPENHAUER (plagié par FREUD et LACAN). Pour rappel, dès que nous possédons l'objet convoité, il ne nous intéresse plus et nous rêvons d'une autre quête. Soit celle-ci échouera et nous serons frustrés, soit elle aboutira et nous nous lasserons; autrement dit, à terme, nous ne pouvons être que malheureux lorsque nous espérons la lune ou le doigt qui montre la lune. Par contre, suivre le conseil d'EPICURE et limiter nos désirs à des besoins simples peut procurer du plaisir. Goûter un bon vin, admirer un coucher de soleil à Mopti ou prendre plaisir à une simple conversation intéressante sont des actions possibles et réalisables si l'on conscientise la beauté de l'instant, si on pratique la gestalt AWARENESS en pleine conscience.

L'hédonisme d'EPICURE, c'est aussi (mais non prioritairement) satisfaire notre sexualité comme un besoin, sans la transformer en un sentiment de propriété réciproque de deux corps (par exemple dans la monogamie). Le plaisir des corps apporte la joie de l'âme et parfois s'y ajoute l'affection (la philia). "Tout plaisir est un bien et le plaisir sexuel est l'un des plus forts, des plus faciles à obtenir et des plus apaisants, s'il est vécu simplement. Pourquoi se le refuser ? Pourquoi le diaboliser ? Les matérialistes assument tranquillement leur animalité."[9]

Notons qu'EPICURE est, comme le BOUDDHA, partisan du juste milieu c'est-à-dire ni débauche, ni abstinence car pourquoi s'aliéner soi-même en frustrations ? La sexualité fait partie des désirs naturels et non nécessaires, comme la gastronomie, comme le jeu. Par contre, les amoureux aveuglés par l'émotion d'une passion fébrile sont des esclaves de leurs représentations. L'autre ne sera jamais parfait et donc à terme, il sera source de désillusion, de colère, de ressentiment. La passion amoureuse (éros, amor) n'est ni naturelle ni nécessaire et impossible dans la durée (1an et demi à deux ans selon des études).

Ce que distingue tout particulièrement EPICURE, au-delà de la différence des genres sexués, c'est l'amitié (philia) : nous estimons un autre être et nous faisons l'amour en être libre avec plaisir et affection. De même LUCRECE oppose la passion impure (angoisse et possessivité) au plaisir et à la volupté. Il s'agit ici de positions de principe et non d'incitation à la débauche libertine; rappelons la sagesse du juste milieu, donc de l'équilibre.

Tout ce qui est naturel est à accepter sans tomber dans l'angoisse de la perte (celle de l'amour, celle de la vie); pour les sages hellénistes, le surnaturel n'existe pas. Libérer les hommes de la peur de la nuit anime les formateurs que sont EPICURE ou son disciple LUCRECE. Comprendre la nature sans peur, tout est rationnel et immanent, il n'y a pas de transcendance. Prendre des distances avec nos peurs, c'est prendre des distances avec l'idéalisme, avec les croyances et les religions. Certes, le plaisir est bon mais c'est la poursuite sans fin de la recherche de vérités provisoires matérialistes qui est, par la raison, libération et émancipation. La vie est un accident de la matière inanimée; le monde est une âme, provisoirement organisée d'atomes, il n'y a pas de finalité, ni de destinée.

L'organisation de la nature va du simple au complexe avec des possibilités émergentes : la vie et la pensée existent comme le sensible naît de l'insensible de façon seconde et toujours déterminée par les composants de la base : la matière. Dans le cosmos, il y a, comme sur notre terre, des atomes mais aussi du vide sidéral. Ce vide est également dans le plein comme pour permettre la danse des électrons autour d'un noyau dans un atome.
Il y a le vide, les atomes et le mouvement (les atomes tombent en tous sens et non pas par la seule gravitation mais par l'attirance-répulsion des polarités électriques) et de ce mouvement résulteront des chocs, de l'énergie et des compositions comme des atomes complexes (carbone) et des molécules.

Le temps par contre est un sujet non encore compris (malgré EINSTEIN); nous avons inventé la linéarité mais dans l'espace-temps, on envisagerait plutôt une boucle de Moëbius à partir de l'Oméga. Quelqu'un envoyé dans l'espace à la vitesse de la lumière ne vieillirait pas au même rythme que ses contemporains, semblait dire EINSTEIN ? Nous avons encore beaucoup à apprendre sur cette convention limite de notre intellect qu'est le temps.

Pour lutter contre l'angoisse, l'homme primitif a inventé l'animisme, puis des profiteurs dits prêtres, imans ou lamas ont ensuite inventé les religions, la sainte alliance dans toutes les cultures du sabre et du goupillon, de pouvoir et de la soumission. Au lieu d'imposer des certitudes par la contrainte et la peur de la nuit, nous pourrions inviter les hommes à douter de tout, même des évidences, disait DESCARTES ?
Remplacer la foi par l'étonnement et la recherche permanente, ou comme le disait mon maître enseignant Marcel DEPREZ [10], s'autoriser l'utopie de l'enfant pour entrer dans la vie par le plafond.

Connaître pour comprendre et évoluer vers la sérénité. Et si l'on ne comprend pas, ne pas s'inventer bien vite des théories rassurantes mais chercher encore et parfois connaître la joie de trouver. Le désenchantement du monde, c'est refuser les superstitions, la magie, les sorts, les fantômes, les Djinns [11] et cesser d'avoir peur de mourir, c'est une loi de la nature ! A la place, vivre l'instant, la seconde qui passe, avec un esprit pacifié et absent de trouble (ataraxie) avec la vertu de l'amitié pour nos frères et sœurs de la seule espèce humaine avec lesquels nous pouvons vivre avec plaisir et joie. La sagesse, disait MONTAIGNE, c'est lorsque l'on cesse d'y croire et que l'on invente la sienne, notre propre chemin. "Rire tout en philosophant".[12]

Histoires de vie et "lâcher-prise"

Nous avons du mal à concilier l'esprit scientifique qui se doit de toujours remettre en question toutes ses vérités provisoires avec les religions quelles qu'elles soient. Le bouddhisme par exemple a comme croyance la métempsycose ou réincarnation de l'âme. Si vous avez un bon karma (une existence éthique), votre prochaine vie se déroulera dans la peau d'un être plus sage et vice-versa. Mais qui juge ? La délivrance suprême est dans l'extinction des réincarnations, le NIRVANA. Le SAMSARA est la vie d'activiste pressé que nous vivons machinalement avec nos tracas récurrents. Il y a plus d'un siècle, FREUD parla effectivement du "principe de constance" conduisant à l'extinction de toutes émotions ou encore appelé "principe de nirvana" dans son sens d'extinction des lumières (retour au néant) et qu'il oppose au "principe de vie", soit sa première topique : Eros et Thanatos.

Aujourd'hui, nos connaissances ont évolué, nous savons par l'étude des religions comparées que cette religion bouddhiste est sans dieu (Bouddha étant un idéal type de compassion) et qu'il ne s'agit pas de dichotomie mais de dialectique. Ce n'est pas l'un ou l'autre (la vie ou la mort) mais l'un et l'autre, nous pouvons nous abstraire du temps pour vivre des moments de nirvana (des moments de grâce) au sein même du samsara, la mort physique extinction étant elle la fin de l'âme psyché.

Un autre aspect distinct de l'iconographie et des superstitions bouddhistes est dans la méthode pour arrêter nos fébrilités mentales obsessionnelles : la MEDITATION. Celle que nous préférons est le zen car la plus débarrassée de tous falbalas religieux et un joyau à dégager de sa gangue pour ne pas remplacer une croyance occidentale par une croyance orientale. Lorsque nous travaillons en autoformation de groupe dans des sessions longues de plusieurs jours, nous proposons en histoires de vie, une prospection généalogique de recherche sur nos ancêtres premiers (une métaphore bien entendu). Le processus débute par une relaxation sophrologique puis suit une méditation guidée (ce que FREUD appelait le rêve éveillé).

Le conducteur du rêve demande le silence, une immobilité totale du corps, une modulation de l'intensité lumineuse de la pièce et à chacun de fermer les yeux, ensuite de se centrer sur l'air que l'on inspire puis que l'on expire et essayer de ne pas s'accrocher aux pensées qui surgissent sans cesse de nos cerveaux bouillonnants. Ensuite, le groupe est invité à choisir un élément de la vie (terre, eau, air, feu) à 'y évoluer hors du temps et à 'y choisir un gîte (une grotte sous-marine, un nuage, un désert surchauffé, un château, etc.….ceci pour exemple mais les inductions ne seront pas fournies pour privilégier la créativité), et visualiser un être/une personne devant l'entrée de ce gîte et s'en approcher, l'observer lui/elle et ses objets symboles et, comme un fantôme, rentrer dans son esprit/corps pour identifier ses principales forces et faiblesses (une projection bien entendu). Le conducteur invite alors les participants à un zoom arrière pour reprendre le chemin mental inverse et regagner leur corps, ressentir leurs doigts et orteils, muscles et organes puis, sans parler, ouvrir lentement les yeux et noter sur le bloc devant eux très vite les impressions/images perçues puis aller se promener dans le parc en solitaire et toujours en silence (méditation marchée) avant de se retrouver devant un café dans le local de pause (le sas). Lorsque le formateur reprend la session par un tour de table où chacun raconte son trajet onirique (ou son surplace de non accrochage au voyage imaginaire), il y a beaucoup de ressentis dans l'air, des trémolos dans les voix et de parler vrai partagé. Nous faisons l'hypothèse que l'on apprend parfois plus sur soi dans ces moments de "lâcher prise" de notre vision habituelle du réel que dans une psychanalyse de 8 ans (j'ai des préjugés certes).

L'âge des participants importe peu, il y a parfois des personnes âgées qui sont dans un activisme tel qu'elles ne peuvent aborder ces rives étrangères. Cela dépend du chemin déjà parcouru à propos de ce merveilleux outil de la vie que possèdent les humains : la conscience raisonnante. Peu importe également le but (ici l'ancêtre initial), ce qui compte, c'est le chemin serpentant la montagne de la vie, d'en percevoir la beauté et de gouter à la détente vers un plus de sérénité.

Au fil d'une existence, il est impossible de ne pas avoir vécu un évènement douloureux (deuil, rupture, trahison, abandon,…). La transformation d'un ressenti en émotion puis en ressentiment peut s'enkyster dans la conscience et devenir un choc post-traumatique permanent. Le contraire de l'amour n'est pas la haine mais l'indifférence. Le trauma peut être aussi bien de guerre et de violence (les enfants soldats en Afrique, les viols, etc.) que la perte d'une illusion d'amour (par exemple une rupture de couple qui a transformé la personne en boule de haine dont les enfants sont otages) ou encore la perte d'un être cher dont on n'arrive pas à faire le deuil.

Le plus souvent, chez des étudiants grands adolescents faisant des études supérieures, c'est une déception envers les parents surgie dès la puberté et le début de l'adolescence : on leur en veut ! Sans relativiser, le jeune se voit victime et ses parents bourreaux. FREUD a dit cette phrase magnifique : "Quoi que vous fassiez, vous ne serez jamais ni de bons parents, ni de bons enseignants !". La relativisation du jugement de valeur porté par le jeune arrive parfois lorsque lui-même devient parent et se rend compte de cette dépense d'énergie que représente une éducation responsable.

Lorsque nous avons en charge une formation d'adultes en histoires de vie, nos réactions sont toujours polarisées dans la même direction : quoi qu'il soit advenu, le passé est passé et nous vivons dans le présent; donc, pour une vie meilleure et plus sereine, il faut pardonner à ses parents ! Il ne s'agit pas ici d'une résurgence culpabilisatrice judéo-chrétienne mais de laisser tomber les boulets qui nous enchaînent vers la morosité en "lâchant prise". Dire dans nos têtes à la mémoire du parent incriminé "je te pardonne !", permet de mieux s'envoler soi-même et de tourner cette page noire qui ne peut rien apporter de bon. Pour ce processus, nous avons besoin de la raison profonde et de regarder nos refoulés. En effet, l'ambivalence amour-haine est une dialectique indépassable; le contraire de l'amour, c'est l'indifférence et non la haine, avons-nous déjà dit. Bien souvent, les enfants victimes veulent rejeter la malédiction des parents en faisant eux le contraire pour leurs enfants et ce faisant, ils créent d'autres lacunes.

"Plus j'y pensais, plus nos idées, nos coutumes dites saintes et celles de nos visions qui passent pour ineffables me paraissent engendrées sans plus par les agitations de la machine humaine." (Marguerite YOURCENAR, L'œuvre au noir).

Jean-Marie LANGE,
Mopti (Mali) 08.01-30.01.2009




Mali, barrage de Selingué, frontière de la Guinée, 2009.

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[1] COMTE-SPONVILLE André, Le miel et l'absinthe, Paris, Ed. Hermann, 2008, p.161.

[2] TCHERKASSOF Anna, Les émotions et leurs expressions, Grenoble, PUG, 2008, p. 123.

[3] DAMASIO Antonio, Spinoza avait raison. Joie et tristesse, le cerveau des émotions, Paris, Odile Jacob, 2003, p.168
[4] Pour l'expression des émotions, il y a donc de fortes différences culturelles mais aussi des manifestations apprises selon les sexes. Pour rester prudent sans faire de généralités abusives, nous pourrions dire qu'en Occident, les femmes sont plus enclines à exprimer de façon extériorisée leur tristesse par des pleurs mais aussi d'autres émotions comme la peur, la honte, soit une certaine vulnérabilité pour certains chercheurs, mais aussi à sourire plus franchement et à mieux montrer leur enthousiasme et leur empathie. Selon FISCHER (2000), l'expressivité positive chute avec l'âge, après 25 ans, dit-il. Outre les mimiques significatives, les femmes sont également plus transparentes dans les attitudes non-verbales et décodent mieux que les hommes eux-mêmes leurs signaux non-verbaux. Pour éviter une classification n'étant pas de mise ici car hors sujet, on pourrait se limiter à acter que les stéréotypes (préjugés collectifs) des femmes ou des hommes sont différents, particulièrement pour les signaux sexués et influencent l'intensité ou non des désirs ressentis. Pour éviter les clichés sociaux, nous pourrions dire qu'il est normativement acceptable que les femmes pleurent et que les hommes expriment leurs colères viriles de gorilles à dos gris mais que l'inverse serait moins bien vécu par le groupe social; autrement dit, il y a un conditionnement social envers les femmes pour la cohésion et l'harmonie du clan (chaleur, cordialité, gaîté, entrain, fragilité,…) et il est "normé" que les hommes soient plus réservés. C'est ce que l'on appelle les DISPLAY RULES (règles normatives de l'expressivité selon les rôles), ces compétences différentes sont transmises par l'éducation parentale pour l'intégration sociale. Au-delà du formatage familial, notons que les hommes parlent de leurs émotions de façon répétitive à leur compagne tandis que les femmes, elles, sont plus capables d'évoquer un épisode émotionnel avec plusieurs interlocuteurs.

[5] "La volonté comme chose en soi, est absolument différente de son phénomène et indépendante de toutes les formes. Même la forme la plus générale de la représentation, celle de l'objet, par opposition avec le sujet, ne l'atteint pas; encore moins le principe de raison, auquel appartiennent l'espace et le temps.(…) C'est par l'intermédiaire de l'espace et du temps que ce qui est un et semblable dans son essence et dans son concept nous apparaît comme différent, comme plusieurs, soit dans l'ordre de la coexistence, soit dans celui de la succession.(…) La personne n'est pas la volonté en tant que chose en soi, elle est le phénomène de la volonté et, comme telle, déjà déterminée et engagée dans la forme de la représentation, le principe de raison. De là ce fait singulier que chacun se croit a priori absolument libre, et cela dans chacun de ses actes, c'est-à-dire croit qu'il peut à tout instant changer le cours de sa vie, en d'autres termes, devenir un autre. C'est seulement a posteriori après expérience, qu'il constate, à son grand étonnement, qu'il n'est pas libre, mais soumis à la nécessité; qu'en dépit de ses projets et de ses réflexions, il ne modifier en rien l'ensemble de ses actes, et que, d'un bout à l'autre de sa vie, il doit développer un caractère auquel il n'a pas consenti et continuer un rôle commencé. SCHOPENHAUER Arthur, Le monde comme volonté et comme représentation", Paris, PUF, 2003, p.111-156.

[6] Arthur SCHOPENHAUER a la paternité de cette réflexion du désir vide de lui-même, elle fut plagiée par Sigmund FREUD sans respect pour sa source. Notons que FREUD a pillé ainsi bien d'autres penseurs comme notamment Georg GRODDECK "Le livre du ça" dont FREUD tirera l'essentiel de sa troisième topique avec le ça, le moi et le surmoi.

[7] DE GAULEJAC V. & LEGRAND M.(dir.) Intervenir par le récit de vie. Entre histoire collective et histoire individuelle, Ramonville-Saint-Agne, Erès, 2008, P.22-23-24.
[8] ROUSTANG François, La Fin de la plainte, Paris, Odile Jacob, 2001 : " Le malheur, la façon de souffrir, le mal-être révèlent toujours un système social et une insertion dont le patient ou la patiente n'a pas la force de se détacher. Les limites du bonheur ont été tracées par l'entourage. Les franchir fait courir le risque du rejet dans des abîmes de solitude. Parler de conflits psychiques est une erreur, il n'y a de conflits relationnels.(…) Le formateur, par sa vision anticipatrice, impose au patient d'être ce qu'il est déjà non pas même seulement comme possibilité, mais comme réalité, d'être autre que ce qu'il se donne l'air de devoir être en permanence." P. 79 & 81.
[9] COMTE-SPONVILLE A., Le miel et l'absinthe, Paris, Hermann, 2008, p.101.

[10] L'historien et professeur d'université (ULB;ULG) Marcel DEPREZ, tout en étant Haut Fonctionnaire à la culture de la Communauté Française, n'a jamais trahi sa parole de résistant à tous les pouvoirs qui corrompent et qui aliènent les "petites gens". C'est lui qui m'avait suggéré le titre de mon mémoire en formation des adultes et en éducation permanente : "Pour que chacun entre dans la vie par le plafond". Un recueil de ses principaux articles croisés avec ses amis de l'utopie a été édité par l'Institut d'Histoire Ouvrière, Economique et Sociale – IHOES : "RESISTANCE ! Entraînement citoyen. Echanges décalés avec Marcel DEPREZ, Seraing, 2008.

[11] "Un GHUL, une GHULAH. Le mot désigne en arabe les Djinns qui hantent les cimetières pour manger les morts, tirant du sol en souvenir la moindre parcelle de métal enterrée avec les cadavres – bagues, dents en or, etc.(…) Vous savez de quoi les Djinns sont composés, bien que cela change sans arrêt – vent, poussière, neige, sable, eau agitée, nuage d'insectes, foules hystériques. Tout ça, c'est déjà de la pensée en mouvement." Tim POWERS, Les puissances de l'invisible, roman, Paris, J'ai Lu, 2007, p. 547 et 538.

[12] EPICURE, Lettres, maximes, sentences, Paris, Livre de Poche, 1994, Sentences vaticanes, n°41.

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